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Par : G R
Publié : 6 septembre 2011
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Première culture littéraire

Du monde de l’élève aux mondes des textes : la médiation littéraire.

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Cette journée a été organisée par le groupe départemental maternelle avec la complicité de l’AGIEM : ce groupe est constitué de correspondants locaux dans chaque circonscription et d’un groupe de pilotage (Voir les noms dans la rubrique présentation)
Son objectif est de contribuer à faire évoluer les pratiques professionnelles dans la perspective de la réussite de tous les élèves.

L’intervenant, Yves SOULÉ fait partie d’une équipe de recherche pilotée par l’IUFM de Montpellier, il est formateur d’enseignants et membre du comité technique de l’AGIEM.

Le sujet traité est la littérature vue comme un formidable outil permettant de découvrir le monde ; le rôle du maître est d’aller chercher les articulations entre le monde de l’enfant et ce que réactivent les textes : quels seront donc les gestes du maître qui les permettent ?

Les ouvrages de référence à consulter sont :

- GPLI, Ministère de l’Emploi et de la solidarité, Petite enfance : éveil au savoir,Cereq, 2000
- KAIL Michèle, FAYOL Michel, Les sciences cognitives et l’école, PUF, 2003
- PASSEREAULT Jean-Michel, GAONAC’H Daniel, COIRIER Pierre, Psycholinguistique textuelle, Armand Colin, 1997
- TAUVERON Catherine, Lire la littérature à l’école, Hatier, 2002
- GARCIA-DEBANC Claudine, PLANE SYLVIE, Comment enseigner l’oral à l’école primaire ?, Hatier 2004
- BRIGAUDIOT Mireille, Première maîtrise de l’écrit, CP, CE1, secteur spécialisé, Hachette 2004

Le lecteur peut se référer au montage accompagnant les propos de l’orateur.

1-Apprivoiser le monde

C’est créer des liens entre le maître, le monde et les textes.

Le rôle de l’école est de concevoir un apprentissage qui aide à construire des inférences sans construire d’interférences.

a)Procéder à un traitement inférentiel : pour comprendre un texte, il faut prélever des informations et les croiser, c’est une activité incessante.

Il existe deux types d’inférences, celle qui se sont automatisées et celles qui demandent un effort stratégique pour comprendre ; les rituels par exemple servent à installer ces inférences ; ils stimulent des mécanismes cognitifs permettant à l’enfant de les routiniser

b)L es mises au point référentielles : l’inférence quand elle est installée devient routine, donc référence (comme par exemple dans l’intertextualité).Ex:10 histoires de loup créeront des références.

c)Les interférences : ce sont tous les éléments perturbateurs qui semblent être déconnectés.(ex,l’enfant dit « mon papa aussi il a..)

Qu’est ce qui fait qu’un enfant digresse du propos ? Il fait des interférences : le monde mis en place par le maître est trop en décalage par rapport au sien qui l’absorbe tout entier. Les informations fournies suscitent de l’inquiétude, du désintérêt et il se raccroche à son concret à lui.

d)Les inhibitions positives : c’est la capacité positive de mettre de côté ce qui n’est pas utile dans le cas présent,de dire que j’ai besoin d’autres éléments pour comprendre, mais je ne l’exprime pas ; c’est le contrôle que chacun exerce sur lui-même selon les situations et le rôle qui lui est demandé de jouer.

Quelles opérations se dessinent lorsque les élèves exercent leur métier d’élève ?

Des réalités comportementales doivent s’installer dans le travail sur les livres.

Exemple de l’album « Tout change » : l’univers du quotidien se transforme, les illustrations de l’ouvrage sont des métamorphoses du quotidien.

L’expérience du monde est une expérience phénoménologique, l’enfant ne comprend plus ce qui se passe dans sa maison, ses références habituelles sont perturbées ;( le lecteur doit aussi se questionner sur son propre rapport au monde) ; et voilà ce qui a changé : une petite sœur est née !

Ces images traduisent ce qui se passe dans la tête de l’enfantB

Explicite et implicite : les inférences explicites sont les plus faciles à trouver

Exemple de l’album « L’heure des parents » ; l’image et le texte ne donnent pas les mêmes informations, installer les relations entre le prénom qui est donné dans le texte et le personnage du petit lion ; le geste professionnel qui constitue à montrer le mot écrit pour créer ce lien est important pour amener les enfants à repérer le système des personnages.

On va donc travailler l’horizon de lecture de l’enfant(L’horizon d’attente, ce sont les espoirs que l’on fonde sur un ouvrage.L’horizon de lecture ce sont les premières inférences que l’on fait dans un ouvrage.)
L’adulte devrait passer de la question que va-t-il se passer ? A que peut-il se passer ? Voir à qu’aimerais-tu qu’il se passe ? qui laisse ouvert tous les possibles.
Les informations laissées aux enfants dépendent essentiellement du seuil de tolérance, des valeurs des adultes, de ce que l’on pense de ce qu’ils vont comprendre, des choix que l’enseignant fait ; l’enfant utilisera ce qu’il sait pour construire le système de références qu’est la construction de sa propre l’identité.

Chute de cet ouvrage : finalement, Camille est tranquillement endormie aux pieds de sa maman, elle a toutefois autour d’elle les éléments lui permettant de rêver les adultes qui ont défilé tout au long de l’album.

La littérature est une façon de se situer par rapport au monde qui invite à ce type de transformations.

2- S’ouvrir au monde des textes

a) Conduite explicative : compréhension

La compréhension, c’est la mise à jour des inférences nécessaires d’un texte : dire ce qui se passe au début.
Tout texte active au moins 4 pôles :
- le figuratif:effet de réel
- le narratif :lamise en récit , la désignation des personnages, des lieux…
- l’affectif : l’expression du sensible, ce qui est de l’ordre des émotions
- l’énonciatif : la voix d’un texte ,qui parle, pourquoi parle-t-on ?
Pour qu’un texte soit littéraire, il est nécessaire que ces 4 points, sans être hiérachisés, soient toujours présents : les deux les moins travaillés sont le figuratif et, l’affectif.

Penser à réfléchir à la dominante du texte que je propose aux élèves ; essayer de s’enregistrer et de voir comment je m’y prends, les points majoritairement travaillés,sachant qu’avec les ans nos prédominances s’accentuent .Le constat est qu’au cycle 3 on ne travaille plus que le narratif.

Etre vigilant à ne pas être que dans la mise en récit, tenter d’équilibrer ces différents niveaux.

Poser des questions ouvertes( qu’est-ce que tu ressens ?Et chez toi ?) ; requalifier les pratiques en rééquilibrant.

b) Conduite explicative : interprétation

Interpréter, c’est comme en musique : la lecture de la partition est la même mais dans la mise en acte, il y a un peu de chacun, la mélodie jouée sera donc différente.

La littérature, c’est pareil, chacun va y mettre des émotions, de l’intelligence, de l’histoire, tant pour le maître que pour l’élève.
Quand on interprète, on valorise et on arrive sur les valeurs, les croyances,la théorie de l’esprit ;il faut arriver à faire construire un système de pensée qui est en accord ou en opposition avec les copains : le point de vue et l’argumentation se construisent dès la maternelle à l’aide.Il est donc important de poser des questions ouvertes permettant de travailler le côté sensible,ex:D’après toi, qu’est-ce qu’il pense ? ».La relecture permet aussi de percevoir autrement, après discussion,les 1° images.

Exemple de l’album sur la guerre (voir montage)

Enonciation
- A partir de l’énonciation, les trois autres pôles apparaissent dans ce texte et posent la thématique de la guerre, sur une métaphore guerrière qui n’apparaît qu’à la fin
- Figuratif : Lecture des images
- Narratif
- Affectif
- Voir aussi les dessins produits par les enfants

3- Les gestes professionnels de l’enseignant

a) Articulation des possibles

L’idéal est de conjuguer ce que le texte propose, ce que le maître propose, ce que sont les enfants.

Le maître ne peut qu’évaluer de manière flottante ce que les enfants savent.

Pour le maître, préparer c’est connaître la littérature de jeunesse, son histoire, son évolution, et surtout son contenu, les ouvrages, les manières de lire, de montrer les images…, c’est lire en profondeur les ouvrages.Le langage est au coeur des apprentissages:c’est l’instrument de travail n°1 du maître qui doit être très vigilant à ce qu’il dit aux mots qu’il utilise, à la mise en voix.

Augmenter le nombre d’ouvrages lus dans la classe
Exemple de l’ouvrage « Un petit bonhomme » mise en situation d’un côté de l’autre, recto-verso, subtilités lexicales, posant la question de la pauvreté et la fragilité de la condition sociale.

Comment vais-je constituer cette partition entre le texte, ce qu’il dit et ne dit pas et les enfants ?

La lecture littéraire est nécessaire comme médiation langagière et culturelle.

b) Favoriser des modes de dire et de penser
- les modes de dire,c’est l’expression du point de vue travaillée par des boucles récapitulatives,par des dénivellations conclusives (on est parti d’où...on arrive où..)
- les modes de pensée ;il y en a 4 types

  • pensée logique : aider à structurer et à organiser les textes(lieu, temps..)
  • pensée anecdotique :ancrage de l’enfant sur une anecdote ; parfois nécessaire même si c’est problématique pour les adultes
  • pensée dialogique : renforcer les paroles d’enfant à enfant et pas seulement entre maître et élève
  • pensée créative : le texte n’est plus la priorité mais c’est ce qui se construit, ce que la lecture a suscité en nous, la reconfiguration par le langage ensemble de ce que la lecture a permis, là est le vrai travail littéraire.

c)Donner à lire
Cela concerne 4 types d’action :
- la rencontre : favoriser la rencontre avec les livres ; les livres sont là et s’organisent entre eux ;
- le retour : on rajoute toujours de nouveaux ouvrages régulièrement et on y revient
Lecture offerte simplement d’abord avec possibilité de revenir au texte plus tard
- la rémanence :garder la trame, le patron, le schème narratif ou des faits de langue qui permettent de cristalliser un scénario (ex de la bobinette cherra qui évoque le petit chaperon rouge sans toutefois que l’on sache ce qu’est précisément la bobinette !) et de le mémoriser
Le plaisir de la littérature se construit sur les échos que d’autres ouvrages renvoient.
- le devoir de mémoire : mise en rapport des textes déjà vus donc mémorisés

Conclusion :

Pour que le monde de l’élève rentre dans ceux des textes et inversement, le rôle du maître est de tendre vers une ré-équilibration des quatre pôles d’apprentissage de GOIGOUX( acculturation,production de textes,compréhension de texte,identification et production de mots), d’éviter un changement trop marqué d’attitude face aux livres en CP.

Est-ce que littérature, culture, et lecture sont en tension entre elles ? Ce qui est proposé pour aller vers des temps d’apprentissage systématique du code et permettre que la lecture des textes se poursuive, c’est de continuer ainsi le mouvement entamé en maternelle en utilisant des ouvrages qui nécessitent de connaître le code et qui permettent de travailler des faits de langue, des jeux de mots.

Questions à se poser avant d’aborder un ouvrage :

Exemple du Petit Chaperon Rouge ( PCR) :
- Pourquoi lire et faire lire le PCR ?
- Que lire dans le PCR ?
- Quel PCR lire ?
- Comment lire le PCR ?
- Le PCR au cycle 2 ?
- Le PCR en GS ?
- Ecrire avec le PCR ?

Questions de la salle :

- La façon de concevoir la littérature renvoie à un parallèle avec la philosophie, les difficultés sont les mêmes, elles demandent à ce que l’enfant pense et sache exprimer un point de vue, ce qu’il ne sait pas faire ; les enfants ne se savent parfois pas capable d’un point de vue.

Réponse : attention aux termes, à l’école, il n’existe pas d’enseignement de la philosophie, simplement des ateliers philo, mais à construire des principes de raisonnement, de l’argumentatif
Le point de vue commence chez l’enfant quand il y a du « non », quand l’enfant dit « parce que.. en plus ».
Dire, plutôt que des pré requis sont indispensables, que c’est en donnant à lire, à entendre que l’enfant va construire des principes langagiers qui vont l’aider à définir sa pensée, à dire ce qu’il pense, ce qu’il imagine sur un album ; cette compétence se construit en même temps que le travail sur le livre.
La vigilance pédagogique du maître sera dans sa préparation:qu’est-ce que je veux qu’ils trouvent dans le livre ?Qu’est-ce que je vais dire, mettre en place pour y arriver ?

- Le terme « littérature » n’est-il pas trop complexe à l’école maternelle ? N’est-ce pas un terme artificiel, adulte bien loin des préoccupations des enfants ? Exemple du texte des souris sur la guerre

Pas d’accord car si le titre ou les 1° lignes de l’histoire posent un problème, on est bien dans de la littérature !
Différence entre lecture et lecture littéraire, voir l’article dans les cahiers pédagogiques
Un texte est littéraire à partir du moment où il présente les 4 points évoqués plus haut, dans le texte cité, il est impossible d’y distinguer ce qui est de l’ordre de l’histoire et du littéraire.
Les enfants font systématiquement des inférences fictionnelles et c’est ce qui les aident à se construire par rapport à leur monde ( « c’est comme...on dirait.. »)

- Comment faire lorsque beaucoup d’enfants ne parlent pas le français ? Pour qu’ils comprennent le sens de l’album ? Y aurait-il des albums qui permettraient de faire de la littérature sans utiliser la langue ?

Un livre médiocre est un livre qui ne pose pas de questions et ne correspond pas au cadre fixé plus haut( ex:Petit ours brun, Spot ).Toutefois, ces livres sont utiles car ils sont accessibles à tous et ils permettent de démarrer en construisant des relations simples et automatiques.
Mimer, jouer, faire jouer l’histoire est une excellente idée:cela permet de « rentrer dans le livre »,même si ce n’est pas de la littérature.
Plus l’enfant est en insécurité linguistique, plus la mise en scène est importante pour lui.
Il faut passer par les apprentissages de tenir le livre, de le renverser, de le mordiller, de l’ouvrir, dans son sens…Il est possible de prendre un texte très complexe en le jouant, le rendant vivant même si on sait que les enfants ne comprendront pas tout, en faisant une maquette, un plan…pour faciliter l’accès au sens.

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